Accomodements raisonnables

Publié le par Krol

Enfin un livre que je termine, dirons les mauvaises langues.

Après "Une vie française" que j'avais bien aimé, j'ai retrouvé toute la patte de cet auteur toulousain dans son nouveau roman. Un style souvent décalé qui donne l'impression que le héros est spectateur de sa propre vie. Une façon d'écrire pleine de justesse dans le choix des mots.


Alors pour vous, j'ai choisi un passage qui démontre sa capacité à bien écrire sur n'importe quel sujet...

Thème imposé : le tibia féminin (!)

"Il m'avait fallu pas mal de temps pour accepter l'idée que j'aimais l'os. Pas n'importe lequel : le tibia, exclusivement.
Cet élément prismatique, compliqué, doublé du péroné, qui dans sa face supérieure, s'articule sur le fémur et s'étire vers le bas jusqu'à s'ancrer sur la tête de l'astragale, avant d'enfler en une ultime apophyse volumineuse, la malléole interne. Le tibia, malgré sa discrétion, sa volonté de ne pas apparaître constitue la véritable structure, l'armature noble de la jambe. C'est lui qui en trace l'épure, lui donne proportion et allure. Lui qui dirige l'orchestre fragile des élégances, réglant la marche et la démarche. Lui sur lequel repose l'équilibre des étages supérieurs, cet édifice des apparences protubérantes, cette façade des faux-semblants.
Avais-je tort d'oser l'os, de tenir les ostéoblastes et les ostéocytes en trop haute estime ? J'aimais m'assoir en face d'une femme qui croisait les jambes. Jusqu'à attendre que la lumière soit favorable et affleure l'épiderme. Et là, tranquilement, je considérais l'entier de l'os. Ce tibia hautain et tendu, vaillant et vivant. Arête érotique moirée, étrave froide et racée, rigide balancier du désir oscillant au gré des impatiences. J'aimais les tibias - choses tangibles - sur lesquels nous pouvions nous appuyer pour rester debout le temps de notre courte et bien étrange vie."

Je pense que les (nombreuses) infirmières qui consultent se blog apprécieront les détails anatomiques !

Publié dans Musique & Lecture

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